Bluette érotique aquatique

Contexte : « Plantation Massa-Lanmaux est l’histoire d’une plantation située dans une île au XVIIIe siècle et dirigée par des aristocrates. Une écriture qui doit beaucoup aux auteurs du XVIIIe, en particulier au marquis de Sade. En sous-écriture une satire du colonialisme et du néo-colonialisme actuel. »

Extrait: les femmes créoles du XVIIIème siècle (« créoles » au sens de l’époque, c’est-à-dire blanches vivant aux Antilles) se plaignaient de ce que les jeunes esclaves mâles débauchaient leurs filles. Ici, « elle » est l’une de ces jeunes filles de bonne famille, les deux autres sont des esclaves. « Griffe » est l’une des innombrables nuances de couleur, entre le noir et le blanc, que l’on a distinguées et distingue encore dans les îles. Tout l’extrait est une réminiscence.

    Comment ne s’était-elle jamais avisée qu’il était si beau ? Elle le possédait pourtant depuis longtemps — depuis trop longtemps peut-être ? Elle l’avait reçu en cadeau d’anniversaire lorsqu’elle même était encore très petite… Il était difficile d’accepter que quelque chose qui lui appartenait pût susciter des sentiments — admiration, désir — qui pour partie exhaussaient cette chose au dessus d’elle ; quoi qu’il en soit, aujourd’hui la beauté du jeune griffe est éclatante. Elles l’ont conduit à la rivière ; lui ne voulait pas, il aurait préféré rester avec les hommes qui changeaient un rôle au moulin. Bien sûr il était hors de question qu’il désobéît, alors il les a suivies, en maugréant. Arrivées au bord de l’eau elles se sont amusées à le déshabiller et à le laver ; il a tenté de résister, mais elles sont, à elles deux, plus fortes que lui pour quelques mois encore, et il s’est résigné à ces mains de filles sur son corps. Maintenant ils sont tous trois dans la rivière jusqu’à mi-cuisse, l’eau ruisselante trace des paysages sur la peau noire de son dos, et cette peau est si douce que plusieurs fois la jeune fille touche son propre corps blanc, doutant que son enveloppe soit aussi délicate que celle du garçon. La domestique noire entreprend de laver le ventre un peu arrondi, et puis, plus délicatement, le bas du ventre, et en riant elle montre à sa maîtresse le petit sexe qui se redresse (le garçon se laisse faire désormais) — et qu’il suffit de chatouiller pour qu’il arbore une petite tête rose ! Oh là là… C’en est trop pour la jeune fille, elle sent que ses joues brûlent, et que pareillement une chaleur envahit tout son corps et se condense au bas de son propre ventre, alors elle rit bruyamment et se jette dans l’eau fraîche, la servante la suit. Les deux têtes, l’une blanche aux longs cheveux auburn, aux yeux un peu coupés en amande, et l’autre noire, cheveux très courts, émergent au dessus du flot parmi les replis flottants des larges vêtements de baignade. Le jeune griffe quant à lui enjambe quelques cailloux et se hisse sur un grand rocher plat, que la rivière enserre dans un fuseau de muscles argentés. Assis là, il affecte de bouder, pourtant la jeune fille aperçoit, elle ne peut s’en empêcher, à la naissance des cuisses, une troisième petite jambe qui pointe obstinément… Sur ce piédestal le garçon est encore plus beau, se détachant tel une idole sur le rocher aveuglé de lumière. La berge par laquelle ils sont arrivés est dégagée, mais celle de l’autre côté est bordée par une végétation abondante, et le garçon s’appuie sur une tresse de lianes noires, coulées des cimes des arbres, qui s’entortillent sur la pierre chaude comme un nid de serpents enlacés ; derrière sa tête cinq collines inondées d’une chaude lueur lui font couronne… Tel qu’il est, sur cette pierre luisante comme miroir tendu au soleil, il semble à la jeune fille que le garçon est au creux de la main de Dieu — et que Dieu le lui offre, à elle seule, une seconde fois… La rumeur de l’eau, dans laquelle ils sont tous les trois enveloppés, se confond avec la pulsation du sang dans ses tempes.

La servante se rapproche d’elle, lui parle à l’oreille, indique malicieusement du doigt les parties turgescentes, mais la jeune fille ne rit pas, se sent très grave au contraire . Elles appellent le garçon, veulent qu’il les rejoigne dans leur bain d’eau bleutée, lui jettent de l’eau bleutée ; il détourne le visage et la servante en profite pour empoigner ses pieds et les tirer… Tentant de se retenir aux lianes, il glisse sur le rocher, de là dans l’eau, et la maîtresse se retrouve avec contre son propre corps cet autre corps chaud… Il se rattrape à elle, son ventre glisse contre le sien, elle éprouve une convoitise dont elle ignore le nom et le but, mais qui lui fait refermer ses jambes autour de la taille du garçon… Un instant ils flottent ainsi étonnés, animal amphibien bicéphale, lui n’osant bouger — qui sait ce qu’il risque ? — elle à l’affût de ce qui naît en elle sous l’aiguillon de cette nouvelle sensation inouïe, ce petit bâtonnet pressant contre le chambranle de son ventre… Des conversations d’adultes, entendues à table, lui reviennent… Va t’elle embrasser ces lèvres de nègre ? La servante rompt cette indécision, s’approche du garçon par le côté, saisit la tête et l’embrasse à pleine bouche avec assurance, tout en coulant à sa maîtresse un regard de travers dont l’insolence, en une autre situation, lui aurait valu une gifle ; après quoi elle détache le garçon de la jeune fille blanche, l’emmène sur la rive boisée, l’allonge sur le dos dans une flaque de lumière, se met nue à son tour et l’enfourche.

La jeune maîtresse s’extraie lentement de l’eau, elle est seule et glacée, les deux autres ne la regardent plus : la domestique chevauche le garçon, effectue un drôle de mouvement cambré, d’avant en arrière… Lui a fermé les yeux, ses mains caressent les cuisses musclées refermées sur ses hanches, remontent le long des flancs, couvrent les jeunes seins… L’accouplement de ces deux corps noirs aveugle la blanche qui les regarde, statufiée… Mais tous deux sont à elle ! à elle ! Elle sort de sa stupeur, saisit sa domestique aux épaules, la renverse, le sexe du garçon glisse hors de celui de la servante avec un bruit de succion, il se redresse sur les coudes, la panique passe dans les regards des deux esclaves : peur de la dénonciation, des coups… Cependant la jeune fille reste là, les bras ballants, haletante, à regarder ce sexe juvénile qui palpite encore, un rayon de soleil accroché au bout de sa tête visqueuse… La domestique reprend confiance, se relève, déshabille sa maîtresse qui se laisse faire, le corps laiteux apparaît en pleine lumière, le garçon regarde, hypnotisé à son tour, son sexe ne palpite plus, il est érigé, durci, allongé, enduit des sécrétions du vagin dans lequel il était fourré…

     La domestique prend la maîtresse par la taille, l’agenouille, lui fait occuper la place qui était encore à l’instant la sienne, sur le garçon. La jeune fille est consentante à tout, présente et absente ; d’une tape la domestique la fait se pencher en avant en même temps qu’elle saisit le membre tout dur et le place (non sans un pincement de cœur ?) contre la vulve charnue, ouverte par la position… La nature dicte à la jeune fille un mouvement cambré, celui qu’elle vient de voir accomplir à sa servante, et elle sent qu’un corps étranger et dur s’immisce en elle — mais qu’il ne va pas loin, que son ventre résiste à cette pénétration… Elle a mal, ne sait plus quoi faire, ne sait plus où elle est, regarde le garçon sous elle dont le corps lui semble être celui de la rivière entière étalée au fond de la vallée… lui non plus ne sait pas, il tourne ses regards vers la servante… Cette dernière hésite un instant puis place ses mains sur les hanches de sa maîtresse, et appuie. La jeune fille sent que le bâton entre profondément en elle, elle tressaille, des mains sombres se referment sur ses cuisses blanches, les lumières, les couleurs des arbres, de l’eau, du ciel se mêlent, le sous bois est un damier de lueurs noires et blanches, un petit cri aigu perce le brouhaha des eaux, tandis que sur le gland du garçon le sang de la maîtresse se mêle à la cyprine de sa servante…

 

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