Archives de Tag: rêve

Louvre, section médiévale

Émail, moyen-âgeL’appel d’un autre monde. Solitude devant cet appel. Le soir d’automne qui tombe derrière les hautes fenêtres suscite sur les murs blancs de grandes coupes ombrageuses de désespoir, où passent comme des comètes, ou comme la foudre, la résurrection des vies qui n’ont pas été vécues : dans les ombres ombrageuses je ne suis pas seul, je retiens ta taille de la main, l’unisson de nos corps nous abîme dans son accord, nos têtes se touchent, d’où la même émotion se répand comme une eau subtile, le voile de lumière automnale sur les hautes fenêtres n’est plus de tristesse mais de beauté, l’instant a l’intensité d’une note fragile miraculeusement suspendue au-dessus de la mortalité de la chair…

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Réversion

Tableau Peter DoigSous mes paupières, un pays d’ombres parlantes. Elles ont la qualité des charmes, mais l’insistance des êtres. Certaines pulsent d’étranges lumières caduques, ténues, d’autres se distinguent à peine du massif de la nuit. Parfois narquoises, parfois péremptoires, le plus souvent indifférentes, elles paraissent poursuivre entre elles des fragments de débats morts-nés. Quelle intelligence leur prêter ?

 

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Dors meurs : vêre brisé !

Wifredo LamRéveil en étoile.

Je verre brisé du songe.

Au réveil, le dormeur se fragmente sur les arêtes irréconciliables de son rêve.  Alpes, aiguilles ensanglantées, il ne sait plus où il est, et lutte pour se résorber dans l’oeil bigle du moi. On se hâterait d’oublier tout ça, à quoi on préfère une belle histoire bien ficelée.
La bluette oraculaire bien ficelée, les romantiques l’ont reçue en grande pompe, en fanfare, comme aux portes de nacre de l’aéroport, sous le panneau « arrivées ». Ils ne franchissaient pas les limites de l’incohérent.
Les surréalistes, quand bien même étonnés des conflagrations inconscientes, continuaient à traiter celles-ci en objets exotiques, que l’on disséquerait sur la table de travail du sujet.
Proust, finalement, lorsqu’il ouvre la Recherche par des considérations sur le sommeil et les songes, est peut-être le plus juste, dans l’évocation de la perte du sentiment d’identité, la confusion du sujet avec les objets de son rêve : « il me semblait que j’étais moi-même ce dont parlait l’ouvrage : une église, un quatuor, la rivalité de François Ier et de Charles-Quint ». Encore Proust ne peut-il se détacher de l’idée que le dormeur croit être quelque chose, même si ce quelque chose n’est pas ce qu’il lui paraît être d’habitude.
Y a-t-il quelque sens à tenter d’imaginer ce qu’il advient du sujet pensant, et de tous ses habituels oripeaux identitaires, au profond de son sommeil, et donc de son absence  ? L’état liminaire du rêve nous paraît être ce seuil d’où l’on apercevrait le côté de l’inexistence, le côté de chez soi-non. Là-bas se dit un dit indicible, bizarre.
Une poésie jaillit de ces fissures illogiques de la vie et de la langue.

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Le rêve des remparts

On ne saura pas« L’affinité de son oeil clivé, avec la lune m’a tout de suite mis sur mes gardes. » Je le disais à ma femme. Peut-être hier au soir ai-je été près d’une mort tragique et vaine. « Charmeur, le personnage sait l’être, et la pyrotechnie de l’intelligence fait oublier le fonds noir qu’on aperçoit… « Ah mon cher… » Le dialogue s’instaure au sommet partagé de deux âmes d’élite… Déploration des temps présent ! Comment lui refuser l’assentiment ? Les marches, la lente montée un peu angoissante, et lui, sa voix qui descend un peu rauque, un peu haletante, de se couler ainsi sur les murs de salpêtre… Juste le temps d’une contemplation partagée, d’une extase divine — du haut des remparts… Le vertige quadruple l’espace… On s’en veut de céder à une paranoïa qui va croissant, il est vrai que le spectacle est à couper le souffle… Et large le rempart, comme du haut du donjon de Frédérique, où souvent le vide m’a happé, appelé le coeur… Lui, il ne sait plus trop ce qu’il dit, c’est étrange, c’est étrange, c’est bien étrange, je mets un genou en terre, je prétexte le vertige, je m’étale sur le large rempart d’une manière qu’on ne pourra me détacher… Quelle déception dans le croissant de son oeil ! Ô lâche… Il n’hésite plus sur ses mots, le fil de sa sentence s’est refait raide et droit, sa voix tombe comme une guillotine que la politesse ne fait que tremper outre de cinglement. Moi je remets son mépris à plus tard, il serait trop bête de mourir ici-bas, précipité par cet inconnu démoniaque… Il s’en faudrait d’une seconde, mais non, d’un bond, quel bond, vers l’escalier ! »
Pourquoi ne puis-je jamais rester à la maison ? me dit ma femme, pourquoi faut-il que toujours  je veuille les villes d’or là haut voir ? Je n’aime jamais les récits de rêve, en littérature.

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Freidrich Schlegel, Lucinde : les « hommes mauvais qui veulent soustraire le sommeil de la vie »

« Avec une extrême irritation, je pensai alors aux hommes mauvais qui veulent soustraire le sommeil de la vie. Ils n’ont vraisemblablement jamais dormi ni jamais vécu. Pourquoi donc les dieux sont-ils des dieux, si ce n’est parce qu’ils ne font rien consciemment et à dessein, parce qu’ils s’entendent à cela et y sont maîtres? Et comme les poètes, les sages et les saints s’efforcent de devenir là-aussi semblables aux dieux ! »

 

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Deux rêves de Dieu (le premier, artificiellement induit)

RÊVE 1
Et si les basiliques romanes et orthodoxes, avec tous leur bulbes et leurs verrues protubérantes, nous procuraient une image de l’univers, tel que Dieu le voit ? L’univers — le multivers, avec son infinité de dimensions — ressemblerait alors à un assemblage proliférant de bulles encastrées  les unes dans les autres, et s’accroissant sans cesse de nouvelles dimensions. La vision du rêve ressemble à celle de la fractale en 3D, le Mandelbulbe. Sur le toit de l’univers-basilique se déclinent toutes les teintes les plus magnifiques de l’arc en ciel.

(Complément : de très belles images dédiées au Mandelbulbe : cliquer ici)

Le RÊVE 2, qui est chu de Dieu, et révèle sa nature indifférente, femelle et Tarkovskienne (Solaris), de celui-ci. Le rêve ne consiste pourtant qu’en une image, faite de collages de personnages de bande dessinée rudimentaires et désuets, montrant une foule de couples en train de danser ; avec une légende : « Tombé du ciel. Ne vous voit même pas ».
Je me réveille dans l’effroi de cet immense Ciel femelle divin, qui ne nous voit même pas, mais nous bombarde de rêves et d’images oniriques, au hasard.

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Quatre rêves

Effet de manoir oublié. Fouillis de vêtements sur la patère derrière la porte : secouez-les de la main, et vous entendrez des cris de femmes dans les pavillons des manches… Des morts mugissent dans ces guipures… « Pater »… « Pas taire »!

Dans un hôtel à la lisière du désert, j’ai vu une femme partir dans les sables pour y brûler un oiseau vivant, qu’elle tenait par les ailes. À la nuit elle n’était pas revenue : j’ai éclairé la fenêtre, et l’oiseau attiré par la lumière a surgi derrière une vitre : un oiseau de proie qui n’avait qu’un oeil rouge, de la fixité perçante des yeux de rapaces…

« Aime moi », appellent tous ces enfants. Ils pullulent et m’entourent, tous incomplets. À l’un, je prête la moitié de mon visage, et ainsi associés par la tête, rassemblés, nous boitillons un moment ensemble… À un autre je donne ma main pour remplacer celle qu’il n’a pas, et il s’éloigne en tirant sur mon bras… Tous, tous me demandent une partie de moi…

« Seul le chiffre 8 peut savoir ce qu’est un sourire de chagrin »

(Illustrations du peintre Donatien Tanjis, ou Tanjah)

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