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Django Unchained de Tarantino : débile et dégueulasse

Django-Unchained-Quentin-Tarantino-du-sang-encore-du-sangLe dernier film de Tarantino plaira aux adolescents accros aux « shooter games », ces jeux videos où l’on avance une arme à la main en tirant sur tout ce qui bouge. Je n’y ai pas décompté précisément le nombre de meurtres mais ils doivent avoisiner la centaine. On y voit aussi des cervelles éclatées, des gens qui se crèvent les yeux, des gens qui s’arrachent la tête, un type dévoré par les chiens…En revanche pas le moindre poil de foufoune de la nuit de retrouvailles du héros avec sa dulcinée : il s’agit bien d’un film qui vient du pays où l’on peut acheter une mitrailleuse et flinguer 40 personnes, mais où l’abstinence est enseignée au lycée et la vie sexuelle des hommes et femmes politiques passée au peigne fin par une nation de censeurs frustrés.
Si vous voulez voir un film, un vrai — pas une machine pulsionnelle et débile à destination de l’audience infantile — voyez, basée sur la même prémisse d’une plantation d’esclaves consacrée à l’organisation de « combats de nègres », le remarquable Mandingo, de Richard Fleischer. Tarantino le cite d’ailleurs visuellement, empruntant des scènes entières à ce grand classique. Toutefois, chez Fleischer, en sus d’un art supérieur et d’une complexité (et d’une liberté de ton en matière de sexualité), qui malheureusement datent d’une autre époque il était admis que l’on avait affaire à une organisation minoritaire, secrète, quelque puits secret de l’enfer, où l’humanité avait cessé. Chez Tarantino aucun possibilité n’est offerte de douter de l’existence de ces organisateurs de combat d’esclaves, dont il faut dire tout de même qu’ils n’ont sans doute jamais existé, et ne sont attestés nulle part. Le premier a les avoir inventé fut le romancier Kyle Onstott, le second a traiter le sujet le cinéaste Fleischer, puis… l’auteur de ces lignes, qui en fit une scène surréaliste de son roman Plantation Massa-Lanmaux… Enfin Tarantino, chez qui on ne trouve aucune mise à distance, exemplarité, réflexion, aucune autre option esthétique que l’ultra violence, enfin en général aucun traitement historique, aucune réflexion, ni aucune connaissance réelle des conditions socio-économiques de l’esclavage (au sujet duquel j’ai quand même lu 30 ou 40 livres, dont je ne retrouve absolument rien ici), que du remaniement de clichés. Bref, un film dans la tradition de la blaxploitation des années 70, mais hyper-violent, dégueulasse et débile — je ne prends même pas la peine de montrer l’inanité du scénario, cousu de… cousu de rien du tout, si ce n’est d’intestins déroulés et de purée de méninges. Si Tarantino et ses admirateurs ont soif de sang, qu’ils aillent faire un tour en Syrie, en Irak, ou en RDC… Le sang coule partout, et la douleur des hommes, à tout moment. Pour de vrai, pas pour rire. En voyant le film je me suis souvenu des pilotes de guerre américains de la guerre en Irak, qui témoignaient qu’ils avaient l’impression de jouer à des videogames, en appuyant sur les boutons qui larguaient des bombes sur des populations militaires et civiles.
On a déjà tourné des navets, on a déjà tourné des films « dignes du plus profond mépris », mais je crois que le plus déprimant dans tout ça est que la critique applaudisse et crie au génie. Les thuriféraires de Tarantino ont-ils déjà vu un Pasolini, un Visconti, un Resnais, un Godard ? Fassbinder, Jarmusch, Cassavetes ?… Ou la critique dans les journaux est-elle le fait de grands adolescents qui ne connaissent rien du cinéma antérieur à leur premier ipod ? Je n’en sais rien. Mais je reviens sur la position optimiste qui était la mienne lors de débats avec des ami(e)s : peut-être aviez vous raison, et que le cinéma contemporain, c’est de la merde.

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Keyhole (« Ulysse, souviens-toi !), de Guy Maddin, le David Lynch du Manitoba

Le cinéma de Guy Maddin est insuffisamment connu en France, et c’est regrettable. De lui, j’avais vu, il y a quelques années déjà, l’inoubliable My Winnipeg. Keyhole est peut-être moins maîtrisé, plus déroutant, mais tout aussi fascinant, et beaucoup plus hypnotique. Le script est peu clair, et le raconter ne rend pas justice au film, aussi je dirais seulement qu’il s’agit d’une bande de gangsters planqués dans la maison hantée de leur chef, Ulysses. Celui-ci doit retrouver sa femme dans une des pièces de la maison, aidé en cela par une médium à peine pubère et sub-claquante puisqu’elle vient d’échapper à la noyade. Un riche matériau symbolique vient comme s’interposer entre Ulysses et l’aboutissement de sa quête : références nombreuses à l’Odyssée et à l’éternel errant-polytropos, mais aussi épreuves de contes de fées correspondant à tous les meilleurs schémas structuraux du genre, sans oublier des allusions picturales à la culture canadienne et aussi, cela va sans dire, aux grands cinéastes admirés, les réalisateurs américains de films noirs des années 30 à 50 en premier lieu, et Bergman (Fanny et Alexandre), Godard dirais-je pour les Européens. L’aventure et le défi semblent illimités, sur la surface restreinte de deux ou trois étages. À chaque pièce — celles de barbe bleue ? — Ulysses remonte la pente de la mémoire familiale engloutie, tandis que ses hommes au rez-de-chaussée redécorent les murs et forniquent (les femmes se multiplient au fur et à mesure que les types sont flingués). Il y a aussi un jeune kidnappé sculptural et bâilloné et de plus en plus nu dans un fauteuil roulant, un autre fauteuil transformé en chaise électrique par un adolescent (qui gagne de ce fait le concours d’inventivité de son lycée), et le beau père fantôme d’Ulysse qui est enchaîné au lit de sa fille (on le verra tailler une pipe à un phallus tout aussi fantômatique). Il semble que transporter un vison empaillé sur l’épaule soit nécessaire pour affronter les spectres, et si vous m’avez suivi jusque là je vous félicite. Le tout est filmé dans un noir et blanc sale à dessein, avec des lumières tournantes qui finissent par sortir le spectateur de son exaspération pour le placer dans un état hypnotique ; quelques couleurs apparaissent pour parer le corps d’une femme nue (les femmes sont d’ailleurs aussi superbes que les hommes, mais le coït hétérosexuel apparaît bien peu appétissant, et quant à l’autre, on ne peut qu’admirer la plastique du kidnappé dénudé et les mâchoires carrées d’Ulysses, sans en voir plus).
Les films de Guy Maddin ont la qualité des rêves, ou du matériau que l’on exhume dans une psychanalyse : chargés d’un sens brûlant mais élusif au fur et à mesure que l’on essaye de le transcrire en mot. Rien n’y est assurément réel, la vie ne se sépare qu’à peine de l’onirisme ou des délires de la folie. Le monde à la sortie du cinéma vous apparaîtra bien incertain, et la rationnalité peu digne de foi. « Surréaliste » me paraît être l’adjectif adéquat à cette esthète venue du froid, et de la planète des fantasmes.

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Point Omega, de Don DeLillo : aller-retours de l’oeil aux immenses horizons du temps et de l’espace

« …l’éternité qui bâille sur les sables »

Saint-John Perse, Anabase

Un jeune homme, à New-York, en face d’une installation vidéo où se diffuse, plan à plan et infiniment ralenti, le film Psychose de Hitchcock ; puis la même personne avec un autre homme, rendu, lui, à l’autre extrêmité de sa vie, dans une villa perdue au milieu du grand reg Arizonien ; les deux hommes contemplant la précipitation, peut-être éternelle, du temps sur les roches pulvérines… Mais le Temps est-il éternel ?

Comme toutes les oeuvres à forte densité symbolique — je songe avant tout aux Falaises de Marbres de Junger, mais aussi aux romantiques allemands, au Désert des Tartares, ou encore chez nous aux livres de Julien Gracq — ce court roman de Don DeLillo, Point Omega, se trouve nodal au centre d’un réseau de significations qu’il serait vain de vouloir épuiser, ou choisir parmi. S’ouvrant sur une expérience de distension du temps, que certains trouveront fascinante, et d’autres, oiseuse ; il répercute cette expérience sur le lecteur attentif au silence qui entoure les lignes. L’arrière plan métaphysique est, au choix, oppressant, ou libérateur (influencé, je le soupçonne, par la pratique de la méditation — à la manière du cinéma de David Lynch —, mais ce n’est qu’une présomption, fondée sur le succés de cette pratique chez les intellectuels américains).

Le Point Oméga est un concept de Pierre Teilhard de Chardin : à l’achèvement de l’évolution humaine, les consciences individuelles, plongées dans une atmosphère d’échanges, de communications et d’interrelations, ne seraient plus isolables et fusionneraient à l’échelle d’une conscience humaine globale, planétaire — prête, selon le théologien français, à la rencontre avec Dieu — mais dans le livre il n’est question de cette dernière apothéose. La référence à Pierre Teilhard de Chardin est tout juste suggérée(*).

Que cette philosophie soit inspirée d’Hegel, j’en ai l’impression, mais laisse à ceux qui sont plus compétents que moi le soin d’y réflechir.

Loin d’avoir souscrit à cette synousie universelle (le néologisme s’impose faute de synonyme au Point Omega), le vieil homme amer qui se réfugie dans le temps, infiniment long, des époques géologiques, et des grandes extinctions animales dont attestent les fossiles qui parsèment le désert, a été l’un de ces intellectuels conservateurs à qui furent dévolus la tâche, par Georges W.Bush et ses sbires, de créer les mots et l’habillage conceptuel qui feraient accepter les guerres nouvelles.  Il ne faut pas trop s’illusionner sur d’éventuels regrets, et son amertume tient plus au fait d’avoir été plongé, pendant des années à New-York, dans un brouillard de discours de conférences et de réunions — « News and Traffic », l’appelle-t-il — qui le coupa de la réalité tangible de la vie : cette conscience pure du temps et de l’espace où flotte sa retraite au désert. Le jeune homme qui l’a rejoint en sa villa pour réaliser un documentaire sur les manipulations des années Bush s’y laissera envoûter, au long de semaines qui passent avec l’imperceptibilité du temps dans une tradition littéraire qui remonte au Désert des Tartares de Buzzatti ou à La Montagne Magique de Thomas Mann.

Heureusement, Don DeLillo ne concluera pas, le tisonnage poétique de notre réalité ne deviendra pas une métaphysique, et l’Évènement surgira au sein de l’Être : une femme, comme il se doit, fille du plus vieil homme, ramènera par sa présence, pourtant discrète, L’ÉCHELLE HUMAINE, porteuse de ses désirs de ses incertitudes et de ses sentiments de perte, dans les failles des consciences  qui se voulaient pétrifiées trop vite dans la contemplation des vérités asymptotiques.

Je ne raconterai pas la suite, qui n’a rien d’un vaudeville, mais dirai seulement que le Temps et la conscience furent condamnés trop vite à leurs mystérieuses abolitions dans le Point Oméga.

« …et l’idée pure comme un sel tient ses assises dans le jour. »

Saint-John Perse, Anabase

(*) p.72 de l’édition Scribner, Avenue of the Americas, NYC, 2010. J’en profite pour signaler que l’anglais du livre est très facile à comprendre, même si bien sûr la littérature américaine est bonifiée par une bonne traduction française).

(Un petit post-scriptum : la « critique littéraire » fleurit sur le net… Étrange critique, ignorante et dédaigneuse de tout outil conceptuel, de toute théorie littéraire, de tout ce qui a été dit écrit et pensé avant elle, uniquement subjective et narcissique… Or, un point de vue nouveau (et donc intéressant) sur une oeuvre, c’est une théorie nouvelle de l’oeuvre, peut-être même DES oeuvres : travail savant pour lequel il y a des professionnels, parfois géniaux, qui sont les chercheurs universitaires. Le reste n’est que bavardage subjectif. Le bavardage subjectif ci-dessus n’a donc aucune prétention à se vouloir critique, mais voudrait juste signaler un grand livre et partager les sentiments nés d’une lecture passionnée, et raisonnée.)

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Festival International du Film de Toronto : L’ORDRE ET LA MORALE (REBELLION), de et avec Mathieu Kassovitz : sanglante déraison d’état

On sait que les petits échassiers qui nous gouvernent sont affublés d’appétits énormes, disproportionnés et qui les corrompent, et que pour arriver au faîte de leurs ambitions il leur a fallu tuer à vue d’oeil : tuer symboliquement (dans le meilleur des cas) leurs concurrents, tuer ceux qui se mettaient en travers de leur route, tuer ou laisser tuer ceux dont la mort servirait leurs intérêts. La saloperie règne et a toujours régné, néanmoins on voudrait toujours se flatter que le cynisme fût plus prévalent et plus brutal « ailleurs » ; la tristesse est immense devant la mort salope et superflue d’être humains ; et la honte lorsque ce sont ceux qui officiellement nous représentent qui l’ont décidée.

« 21 cadavres pour une ambition présidentielle », c’est-à-dire pour la satisfaction d’un ego boursouflé, tel pourrait donc être le sous-titre du dernier film de Mathieu Kassovitz, consacré aux dix jours qui ont mené au déplorable assaut de la grotte d’Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie, entre les deux tours de l’élection présidentielle de 1988. Je ne rappellerai que succinctement les événements, tant ils sont connus et facilement accessibles : une occupation de gendarmerie, organisée par des indépendantistes kanaks sur la petite île d’Ouvéa, tourne mal et aboutit à la mort de quatre gendarmes ; les indépendantistes se retranchent alors dans une grotte de la forêt, avec le reste des gendarmes emportés comme otages ; leurs revendications sont sans doute impossibles à satisfaire, cependant des négociations semblent progresser, lorsque Chirac pour en finir avant le deuxième tour et agrémenter sa candidature d’une image d’homme fort (propre à plaire aux électeurs du FN) commande à des forces militaires importantes de donner l’assaut (l’ordre est contresigné par le président Mitterand) ; dix-neuf indépendantistes perdront la vie, ainsi que deux otages, atteint par des « tirs amis ».

Le film est rythmé par le compte à rebours des dix jours qui précèdent le dénouement brutal, et il suit les efforts du Capitaine du GIGN Legorjus pour éviter le pire : Kassovitz incarne avec talent Legorjus, et il a construit son film à partir des mémoires rédigées par celui-ci, ce qui doit rester à l’esprit dans la juste estime des événements : Legorjus pourrait avoir voulu se disculper de ce qui est apparu comme une trahison aux yeux des indépendantistes qui lui avaient accordé leur confiance. En tout cas la puissance d’évocation du cinéma, et la parfaite maîtrise d’un réalisateur qui a atteint sa maturité artistique, transportent le spectateur à la hauteur historique et morale qui convient à cette histoire, dont les protagonistes sont tous emportés dans un drame qui les dépasse, et obligés pour plusieurs d’entre eux d’agir à l’encontre de leurs convictions — soit par fidélité aux serments donnés, soit parce que, lorsque le désastre est programmé, l’échec devient la base de calcul à partir de laquelle on essaye de sauver ce qui peut encore l’être.

On pourrait regretter quelques éléments sensationnalistes — enchaînement rapide des scènes, surprises visuelles, conversations trop souvent criées et bande son oppressante —, ainsi que l’incarnation trop héroïsée de Legorjus par Kassovitz, mais l’héroïsme prend ici la forme d’un humanisme et d’un calme inaltérable dans les moments les plus difficiles, ce qui est à mille lieues des habituels jeux de muscles du film de guerre barbare à la  Hollywoodienne. Je dirais que Kassovitz a trouvé son sujet, et qu’il a signé là son meilleur film depuis La Haine : un film essentiel et non plus de simple divertissement comme ceux qui l’avaient précédé. Un petit chef d’oeuvre, qui se confronte aux soubresauts cruels de l’Histoire, aux impasses de la Morale, aux différentes mesures par lesquelles est évalué le poids d’une vie humaine. Le remontage et on pourrait dire la réorchestration du débat Mitterand-Chirac 1988 de deuxième tour, vu d’une gendarmerie de Nouméa, aboutit à une scène d’anthologie, où les deux concurrents apparaissent comme deux redoutables sauriens, aux prises dans un combat de titans où l’on ne compte pas les victimes collatérales. Et quant à la scène de bataille  — l’assaut sur la grotte —, elle est la plus forte que j’aie jamais vue au cinéma, tant elle démystifie la guerre et dévoile ce qu’elle est : la plus immense bêtise qui soit dans l’univers. Mais en serons-nous toujours exempts, de cette atroce bêtise ?

Pour ma part j’ai été grandement ému, et accablé : contrairement aux spectateurs canadiens, je me sentais partie prenante de ce qui s’était joué, comme flétrissure intime de ce que c’est que d’être français, sur cette minuscule île du Pacifique. Un même sentiment de honte m’avait affligé à la projection du film Camp de Thiaroye d’Ousmane Sembene, dans une salle de cours de l’Université du Minnesota où j’étais le seul français présent. Je sais que l’on va me reprocher ce commentaire, comme on m’a reproché ce que j’ai dit lors d’une interview tv que j’ai enregistrée avec Laure Adler : à savoir que, partant vivre en Guadeloupe, j’avais découvert, avec l’histoire esclavagiste et criminelle des antilles françaises, le sentiment d’avoir « du sang sur les mains ». On m’a objecté l’habituel argument de l’impossibilité juridique et morale d’une culpabilité collective. Je ne suis pas sûr que cet argument soit aussi raisonnable qu’il en ait l’air… La vérité marche toujours sur deux jambes, et si la solidarité clanique est une régression barbare, la conception moderne d’un individu dénoué de tout engagement collectif, et donc de toute participation à une action conduite sans son assentiment explicite, me paraît être celle qui nous a conduit à la société où nous vivons, qui ressemble toujours plus à une simple juxtaposition sans lien. Dans toutes nos fibres, dans toutes nos paroles, nous sommes faits de notre culture, de notre éducation, des valeurs qui nous ont été données, de l’histoire de ceux qui nous ont précédés et nous ont transmis ces legs, avec leur part sombre : vouloir ensuite ne garder de cet héritage que l’utile, en se prétendant délié du passif, délié du coût moral de nos châteaux et de nos encyclopédies et de nos tableaux et nos arts et nos sciences, me paraît légitimer le narcissisme instinctif de l’enfance : écueil en miroir de celui de la solidarité clanique. « Le peuple est souverain », nous dit notre constitution, et lorsque le souverain élu qui le représente signe un ordre meurtrier, c’est malheureusement le peuple qui signe.

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THE TREE OF LIFE, de Terence Malick, vu hier.

Plus j’y pense plus je suis en colère que l’on ait donné la palme d’or à ce film… Quelle décadence ! Un collage d’images et de scènes et d’esthétiques vues 100 fois, au service d’une philosophie simpliste et d’un christianisme militant ! Les scènes de dinosaures sont tout simplement grotesques et anthropo-centriques, toutes les parties documentaires témoignent d’un scientisme naiseux, accompagnées de grondements assourdissants censés, je suppose, nous donner une idée des forces écrasantes dans la nature… Qu’on ne s’y trompe pas « the life » dont il est ici question est celle, que l’on suppose intéresser toute la planète, de la vie des classes moyennes chrétiennes américaines, sous-tendues par un bête déterministme génétique animal, et du freudisme à la truelle US. Les superbes images dont la presse a parlé ressemblent aux pubs d’Air France : de belles gens sous un soleil parfait et un ciel bleu azur… Bref une grandiose connerie au service d’une propagande évangéliste gerbante.

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