Eric Zemmour à la télé: 2H de rigolade ! Je ne comprends pas que les gens qui l’ont en face d’eux n’éclatent pas de rire devant le comique involontaire de ce petit bouffon à moitié intelligent qui vit comme une Bovary de l’Histoire de France dans un monde de références désuètes et de grandeurs muséales. En revanche ce qui est moins drôle, ce qui est dramatique, c’est la faiblesse pathétique des adversaires qui lui sont opposés : Samia Ghali n’avait tout simplement rien à dire, et quant à Le Maire il ne sait que se raccrocher sans cesse à une morale du bon sens aussi rassise que creuse. Une référence à Renan et le voici le bec cloué, comme si c’était parole d’évangile ! Est-ce que la République n’a rien à répondre à ce petit maître qui n’a que la force de ses obsessions, le niveau culturel d’une bourgeoisie moyenne de province des années 1930, et aucune idée plus originale que ce qui patauge à la surface des caniveaux de la droite la plus vaseuse : le grand remplacement, la tentative d’éradication des hommes, la perte d’autorité, le nucléaire c’est bien, les immigrés nous envahissent, l’islam c’est mal, l’islam (quel islam? qu’importe les détails !) est toujours politique, l’école fait de la propagande droit-de-l’hommiste, les impôts sont trop élevés, il faut élever l’âge de la retraite, les étrangers coûtent trop cher, etc… ? Un vrai dictionnaire des idées reçues de la droite débile ! (La gauche n’est pas moins débile, hélas, dans ses propres idées reçues…)Ne parlons même pas de l’absurdité irréalisable d’absolument chaque point du vague programme et de l’impossibilité d’obtenir quelque précision que ce soit sur quelque sujet que ce soit… Mais puisqu’Eric Zemmour cite Renan je vais aussi citer Renan, au cas où l’on serait aussi naïf que Le Maire devant ce soi disant argument d’autorité morale et intellectuelle: « La conquête d’un pays de race inférieure par une race supérieure, qui s’y établit pour le gouverner, n’a rien de choquant. » Bel évangéliste en vérité !
Le mérite fonctionnel d’Eric Zemmour, c’est que sa personne et son intelligence médiocre de bateleur obsessionnel suffise à perturber l' »élite » politique, dont la soi disant supériorité, validée dans nos plus grandes écoles, se dégonfle immédiatement à la première piqûre d’un un-peu-moins ignorant, ou un-peu-plus habile rhétoriqueur qu’elle ne l’est.
Comme une bouse tombée dans une mare flotte à notre grand étonnement: la mare était donc de la merde.
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Eric Zemmour pitre borgne au royaume des aveugles
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Combien restera-t-il de ces objets à la surface de notre époque ?
« Un jour peut-être tu accompliras un objet parfait et qui ne semble pas avoir été touché.Tu n’as rien de plus à faire, mais pas moins. Un poème, un conte, un texte qui garde son secret et qui restitue à Dieu, sans même te voir, ce que Dieu avait mis en toi; un texte aussi parfait, aussi serré et aussi irréductible qu’un mort. Combien restera-t-il de ces objets à la surface de notre époque ? »
Joë Bousquet, Le Meneur de Lune, VII
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Le volcan de Trimalcio
Pour finir, Trimalcio peignit un volcan. Dans notre région déjà criblée de légendes et comme percluse par le mythe de toutes parts, le volcan ne s’ajoutait à vrai dire qu’à la fin d’une longue liste de sites et attractions remarquables, parmi ceux offerts à la curiosité du voyageur érudit. Dans les guides de voyages, où il figura dès lors, le volcan ne prit d’ailleurs place qu’à l’extrémité d’une catégorie « Mérite un détour », elle-même très inférieure à celle des « Vaut le voyage », tant nombreux sont les phénomènes Phlégréens, les sources miraculeuses, les statues Paniques marmoréeennes, et les étagements somptueux de plans célestes qui ornent les coupoles réelles ou feintes de nos églises.
De même, pour la technique il ne se séparait pas du maniérisme habituel à son époque, dont on peut admirer la forme la plus achevée dans l’œuvre de son contemporain le Puisatiers (on recommande la visite, par exemple, de l’extraordinaire fresque en trompe-l’œil peinte par ce dernier sur les voûtes de la Sainte Ignace del Pancreazio). Et enfin le thème volcanique n’avait pas manqué d’inspirer des générations d’autres créateurs, dans notre région où l’on marche pour ainsi dire sur les toits de villes anciennes, conservées dans leur lit de lave.
Néanmoins le volcan de Trimalcio était différent. Et pas uniquement, comme on l’a écrit, en raison de son cratère imbu d’étoiles, dans les profondeurs duquel l’eau sombre d’un ciel nocturne, se reflétant perpétuellement, procurait un trouble étrange — mélange de fascination pour l’éclat magnétique des astres semés en rangs réguliers, et de vertige pour l’affolement temporaire du sens de gravité pris entre les deux cieux.
(Le contraste magnifique du bleu somptueux qui s’étalait au fond du cratère et de l’ocre des parois montre d’ailleurs à quelle maîtrise le peintre était parvenu au temps de sa maturité, et que peut-être fut injuste la relative obscurité dans laquelle ses contemporains le maintinrent.)
Et ce n’est pas non plus le dieu suspendu sur un nuage, au centre et à l’aplomb du cratère, qui distinguait éminemment l’œuvre de Trimalcio de celles de ses collègues — bien qu’on ne vît de ce Céleste, d’une manière inhabituelle, qu’un dos musculeux, les cheveux bouclés d’une tête à jamais tournée vers l’effarement d’un mystérieux prodige, et l’esquisse d’un bras et d’un index suspendus dans la désignation invisible, hors-champ de l’oeuvre (le reste — drapés de toge, chevilles puissantes — se perdait dans les volutes du nuage où le dieu prenait son assise).
Tout cela, donc, n’aurait pas suffi à assurer à son auteur une réputation plus grande que celle d’autres faméliques peintres de retables, dont l’identité est à peine connue, et qui avaient parcouru le pays en proposant leurs pinceaux à des curés épris de beauté mais avaricieux. Non, ce qui consacra la présence du volcan de Trimalcio dans les étapes facultatives du Grand Tour, ce fut l’extrême minutie qu’il mit à parfaire les parties en trompe-l’œil.
En effet si l’on ne pouvait évidemment hésiter plus d’un instant — le court instant de surprise où s’atermoie la raison — avant de conclure à la facticité du Dieu suspendu au dessus du gouffre — et si le ciel nocturne qui tapissait le fond du cratère était par trop immuable pour que le doute s’y accroche longuement — en revanche le peintre avait poursuivi jusqu’à la maniaquerie l’effet de réalisme pour tous les abords du cratère. Soit lui, soit une puissance administrative ultérieure et bienveillante, en tout cas quelqu’un avait complété la circonférence d’une bien réelle balustrade en fer. Laquelle — peut-être à dessein, et dans ce cas on voit mal qui d’autre que l’artiste aurait élaboré cet appareil —, en surplombant le gouffre de ses rails rassurants, à la fois indiquait au visiteur un parcours possible et sûr à sa déambulation, mais aussi condamnait à l’incertitude ce même visiteur quant à ce qui, dans le paysage qu’il découvrirait, serait relief ou serait surface peinte.
Cet empiètement mutuel de l’art et de la nature s’accentuait du fait que certaines roches, sur le bord de ce chemin que traçait la balustrade autour du cratère, certaines roches étaient réelles et projetaient leur ombre sur les pieds du visiteur, tandis que d’autres, peintes, n’étaient que vaguement esquissées comme pour souligner subtilement ce que toute cette production devait à la fantaisie. À y regarder de plus près, il n’était pas jusqu’à l’épaule du Dieu qui ne fût saillante —sculptée dans l’albâtre ou dans une autre roche aussi blanche—, ainsi qu’une partie de sa toge —un drap agité d’un souffle imperceptible— ; aucun volume ne paraissait enfler les boucles de sa chevelure.
Mais le trait de génie qui consacra Trimalcio (par l’attribution, au passage, d’un mérite qui peut-être aurait dû revenir en droit à l’anonyme bienveillante et ultérieure autorité administrative) dans la faveur des hommes et des guides de voyage, ce fut d’avoir pensé à laisser, sur le long du parcours qui ceint le cratère, quelques endroits où la balustrade s’interrompt soudain et ne devient plus qu’un simulacre peint sur le sol, tandis que la main qui la tenait avec précaution s’enfonce tout d’un coup dangereusement vers le vide, en tentant instinctivement de se ressaisir d’une ombre… Et que dire de ces rochers sur le chemin de crête, qui pourraient bien ne pas être de vrais rochers, qui pourraient bien n’être que de traîtres leurres peints au dessus du vide ? Enfin il est un recoin, aménagé dans un enfoncement de la barrière, qui effraie même les plus téméraires : cette plate-forme au dessus du cratère, dont le sol grillagé constituerait un parfait belvédère pour admirer à loisir le ciel étoilé qui compose le fond du volcan — s’il était certain que tout cela ne fût une ultime malice du peintre ? Il en est peu, parmi tous ceux qui depuis plusieurs siècles qu’il a été achevé découvrent le volcan de Trimalcio, qui s’aventurent à poser le pied à cet endroit pour en vérifier la véracité….
Si le nom de l’artiste a survécu et survivra sans doute toujours dans la postérité, en revanche on ne sait rien de ses destinées après la livraison de cette œuvre.
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Ismaïl Kadaré, L’Aigle, extraits
« Ses yeux s’étaient habitués à l’obscurité, il distinguait mieux les volatiles, voire les voyageurs qui les chevauchaient. Certains se cramponnaient avec peine à leur monture. D’autres, recrus de fatigue et d’angoisse, avaient posé leur tête entre les ailes et laissaient pendre leurs bras de part et d’autre.
Il remarqua non sans surprise que certains rapaces volaient en sens inverse du leur, comme s’ils rebroussaient chemin. Au début, il ne put y trouver d’explication, jusqu’à ce qu’il finît par discerner, sur l’échine de l’un d’eux, un squelette humain. Les bras noués à son encolure lui étaient restés suspendus comme un collier, et Max eut même l’impression d’entendre le cliquetis des os. »
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Jean Grosjean, Élégies, IX
L’ombre me dissoudrait vite l’âme si tu suivais la tache de soleil qui tourne quelques heures sur le lierre ou la mousse pour n’être plus qu’un souvenir dont doute la nuit.
Ne t’éloigne pas de moi comme firent les grands et tristes beaux jours de l’enfance avec leurs corolles célestes aux chevilles et leurs abîmes d’azur sur la tête. […]
Ce n’est pas possible, pas tolérable, pas vrai que tu puisses être l’image seulement de ce que tu fus et me soustraire à ma vivante mort derrière l’inaltérable empreinte de ton visage.
Pourquoi jalouser les royales indifférences qu’avec sa treille incueillie, ses noyers de bronze, sa poussière d’or en suspens, l’automne déploie sur les seuils qu’il déserte ?
Tu me parleras encore, ne serait-ce que du plus léger bougement de tes cils, ou du moins tu m’entendras proférer du creux de mon âme ton nom, rien que ton nom avec l’effort terrible et la voix sourde qu’on essaie dans la fosse.[…]
Le jour en déclin allonge vers l’Est l’ombre du geste que nous continuerons d’emprunter toute la nuit aux éternels quand bien les sources du monde seraient taries.
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JAMAIS UN BAUDET
SOIT QUE nocturne le fît choir vers l’espace
Ruban pérégrin déroulé et séparé du champ en bordure Du
Et noir d’une consécration passé le jour à nul titre advenu
Des appendices les étoiles couronnant si haut
Qu’auditifs confondus de l’immense désespoir que si
De la longe issu, ET CELLE-LÀ,
Décasyllabe laisse de vacuité pendant à la crête tragique de l’instant
LE GESTE d’une désinvolture empreint
Dénouant le Gordien par où l’animal leste rattaché
Quoiqu’aggravé d’une graminaire satiété
Courra
Emportement
Ivresse
Des collisions
N’ABOLIRA
LE CONDUCTEUR
Ébloui dans l’entrecroisement avec les yeux Apuléens
Sous l’expression démesurément longue susdites des appendices
LES PHARES
Jadis il rétrogradait
Et portant le verbe au point du pied le plus bas
d’exclamation
Rétréci sous l’iambe de l’action
Au plancher l’antique levier
Se sait d’un autre siècle à l’occident du ciel
Le cercle
Exacerbé de l’arrière train décrivant convolu
En justes noces avec le destin précipité
Si ce n’est que crissât-il des scrupules projetés
Foudroyât-il les verreries éberluées
L’arrêt
Intempestif du véhicule
Obtempère
Et libère au septuor l’insigne paix rotonde
Tandis que de l’équidé ne demeure
Vestige dans la nuit assourdie
Qu’évanescent panache
De queue
LE BAZAR
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Le paradis des livres / Le soulagement des mots
Au matin, avant que la vie n’accuse les ombres et les contours (ou que les ombres et les contours n’accusent la vie), avant que chaque chose ne s’approfondisse d’un relief où se dissimule son secret, avant que la vie ne me rattrape…
Ma conscience est pure : un lac tranquille, un miroir. Je lis. L’absence de trouble laisse se refléter le texte dans toute son étendue, sur les eaux plates de ma pensée, à peine plissées d’une respiration. C’est un espace limpide qui s’ouvre quotidiennement : mon paradis de la lecture. Et il est d’autant plus entier et vaste que la langue qui m’occupe est plus éloignée de la mienne : idées vives écrites dans des langues mortes, poésie mortes de l’orée de notre langue vive, langues étrangères… Je m’étonne de certains termes, je vérifie des étymologies, je prends des notes pour des écrits futurs qui peut-être n’auront pas lieu…
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Méditation pour l’innocent (après le massacre)
Tu mettras bien longtemps à entrer dans la conscience de ta mort; et moi je ne vivrai plus désormais que dans celle de ma survie.
À jamais tu ignoreras cette nuit.
Le temps m’a fait la bonté de cette larme où j’essaye de nous recueillir. Buvant le lait chaud de ton visage. Cependant qu’étrangement arrêtés, les grands laminoirs du ciel se font face et s’observent comme deux aveugles, reflétant sur les miroirs glacés de leur nuit, la fixité des constellations.
Je viens du tumulte de la vie, qui est celui de la ruée des corps vers leur mort : danses de plaisir et de mort des corps en tourbillon, et leurs démembrements et leurs remembrements, et leurs jouissances et leurs grincements de dents
Pourtant j’ai désiré cette petite mort du temps, qui nous tient suspendus un instant au bord du temps, ensemble toi et moi : fragiles illusions de néant, hologrammes
Et toi lové dans le creux de mon bras comme je me suis lové dans le creux de cette nuit, avec la permission des constellations
Et sur nos tempes, le signe de la comète qui nous séparera
Parce que tu as deux ans et demi, et qu’il y a deux ans et demi j’avais quarante deux ans et demi
Je n’ai pas peur pour toi de cette terre, où toujours se sont levées et couchées les générations
J’ai peur de ne pas te protéger assez pour que tu vives pleinement sa douce-amertume
Mais pour l’heure tu pèses pleinement dans la nuit de ton sommeil, peuplé sans doute de gentils animaux, de choses bonnes à manger et de parents attentifs, éternels
(22 novembre 2015)
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Humanité(s)
« (and your grandfather said, ‘suffer little children to come unto Me’: and what did He mean by that ? how, if He meant that little children should need to be suffered to approach him, what sort of earth had He created ; that if they had to suffer in order to approach Him, what sort of Heaven did He have?) »
William Faulkner, Absalom, Absalom !
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La Nouvelle Quinzaine littéraire n°1097 du 16 au 31 janvier 2014
Un numéro très riche.
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