Mise-à-jour du 15 décembre 2011 : Aurélie « la voix de son maître » Collas a encore frappé, dans un nouvel article percutant et rudement documenté, empreint des méthodes de la recherche journalistique et sociologique les plus exigeantes. Alors que les profs « grognent » (ça veut dire « résister », en langage journalistique) contre la belle réforme de l’éducation, qui va enfin transformer nos écoles en belles unités entrepreneuriales bien managées (ça veut dire « caporalisées », en langage UMP), Aurélie Collas, elle, a enquêté dans un quartier populaire représentatif — ça s’appelle Aix-en-Provence. Là elle a trouvé un lycée où un proviseur, déjà, a mis en place des entretiens individuels et collectifs « de progrès » ! Eh oui ! et tout se passe bien ! tout le monde est heureux ! et surtout le proviseur, qui pose en costume de Fillon qu’aucun de ses profs ne pourraient se payer avec leur salaire (regardez, je vous assure, le type est vraiment déguisé en François Fillon), devant les belles arcades néo-gothique de son établissement populaire ! (Il est par ailleurs l’auteur d’un ouvrage sous-titré poétiquement « Management et Éducation » — voilà, vous avez compris…) Alors, qu’est-ce qu’ils ont à grogner ces profs, ces syndicats, encore ? On a déjà les entretiens avec le proviseur à Aix (un proviseur tout ce qu’il y a de plus représentatif, choisi au hasard, patron d’un banal lycée classé monument historique et auteur de « Management et Éducation ») et on est contents ! Ah mais, peut-il prendre des décisions sur la carrière des profs après s’être entretenu avec eux, le patron ? Ah ben non ? Eh bé alors, leurs entretiens à Aix, ça s’appelle juste « une réunion », non ? Quel est le rapport ? Ya pas de rapport avec la réforme du gouvernement ? Eh bé qu’est-ce que ça fout là alors, dans Le Monde, si ce n’est pour justifier la réforme (ça veut dire « néo-libéralisation » en langage UMP) de l’éducation, par n’importe quel moyen vaseux ?
Article du 17/11/2011 :
« Cas d’école », j’ai choisi l’expression car les deux journalistes que j’ai citées ont choisi pour leur fond de commerce, justement, l’école, malgré leur évident manque d’empathie pour ceux qui la font. (Eh oui, pas de poésie ou de littérature aujourd’hui, chers lecteurs et abonnés, et j’espère que vous me pardonnerez : politique, media vendus, éducation, au menu de ma cervelle. Vous êtes avertis et libres de ne pas lire plus loin, de vous rendre sur mes « jaculations nocturnes et diurnes » par exemple. Mais, dès lors que les routes de la cité se couvrent de la lèpre infaillible de monstres : UN COLT, promesse de soleil levant ! Fini avec les pastiches de Char, j’en viens à mon Affaire Collas.)
Il s’agit d’un article d’une certaine Aurélie Collas, préposée aux chroniques sur l’éducation pour Le Monde, qui a mis pour moi le feu aux poudres : devant les récents projets gouvernementaux de soumettre définitivement les profs à l’ordre libéral, en faisant dépendre leur carrière et leurs revenus des appréciations de leurs petits chefs directs (au lieu d’inspecteurs dûment compétents dans leur matière), cette grrrrande journaliste nous apprend que : « [l’ancien] système mécontentait tout le monde »… Mais qui est tout le monde ? Pas moi ! Toi, hypocrite lecteur, mon semblable mon frère ? En 15 ans d’enseignement je n’ai en ce qui me concerne jamais entendu personne se plaindre du système d’inspections sur son principe.
L’explication de qui est « tout le monde » vient dans la suite de la phrase : « Il n’est pas fiable, il est obsolète et injuste, car il ne repose que sur une inspection en classe qui a lieu à intervalles très irréguliers – au mieux tous les trois ans, parfois huit », soutient Marcel Pochard, Conseiller d’Etat. » Donc, « tout le monde », c’est Pochard, chargé en 2008 par Sarkozy d’établir un rapport ultralibéral sur les évolutions de l’école (Michel Rocard avait démissionné de la commission pour se démarquer de ses conclusions) ! Voilà de quelle bouche, chargée de l’haleine lourde de l’UMP, Madame Collas tient ses informations, et ses opinions : ça c’est de l’enquête de terrain !
Et puis comme d’habitude, on tire argument de ce qui ne va pas dans la fonction publique, pour tout casser au lieu d’y remédier.
Madame Collas, bien qu’elle ait su tout ce qu’il lui fallait savoir de la bouche d du Conseiller d’État Pochard, daigne quand même interviewer le co-secrétaire général du Snes, syndicat qui représente, selon le dernier vote de la profession, une grande majorité des profs, et elle signale le désaccord et le scandale de ce syndicat devant la réforme prévue… Mais pour dire tout de suite que « d’autres syndicats », eux, ne seraient pas trop contre la réforme… Lesquels ? On ne saura pas quels « autres syndicats », ni combien d’adhérents, combien de votants, ils représentent ! Qu’importe, l’important du message est ailleurs : il s’agit d’affaiblir la parole syndicale en le présentant comme divisée, quitte à vaguement se référer à « un syndicat », peut-être ultra minoritaire, si jamais il existe.
Il est évident que cette réforme n’a comme seul but que de soumettre les avancements de carrière, et donc les rémunérations et futures retraites des profs, à leur docilité, et leur visibilité dans tout ce qui est péri-éducatif : comment le chef d’établissement peut-il sinon évaluer des profs de maths, de français, de techno, d’économie, etc…? Il les jugera sur tout autre chose que leur enseignement. Bref c’est achever de transformer l’école en colonie de vacances, dans le contexte aussi d’économies globales sur les salaires (avancements réservés aux copains du chef). Accessoirement (ou prioritairement), avec Marine Le Pen très haut dans les sondages, on fait de l’oeil à l’électeur du Front National en lui montrant qu’on va enfin caporaliser ces profs qui enseignent des conneries à ses enfants en philo ou en SES, voire se foutent en grève contre les nécessaires réductions de poste.
Mais le meilleur vient à la fin de l’article d’Aurélie Collas, dans un encart ou elle rappelle quand même que les profs français sont parmi les moins bien payés des pays industrialisés… sauf pour, tenez vous bien, sauf pour « la manne des heures supplémentaires qu’ils se partagent » ! Oui, la manne, vous avez bien lu : ce que nous distribue Dieu-le père-en abondance, et qu’on attend bouche ouverte sans rien faire ! Ces heures sup qu’on impose en partie aux profs, qui sont moins bien payées que les heures régulières, alourdissent les semaines en les empêchant de faire bien leur travail, ces heures distribuées pour limiter les recrutements de jeunes profs en se contentant de remplir les classes, c’est une manne ! Le choix des mots n’est pas anodin, ni leur connotation : rémunération indue, profs qui ne foutent pas grand chose, générosité biblique du ministère…
Aurélie Collas ce serait un peu « la voix de son maître » (« Plus de candidats aux concours enseignants : victoire de Chatel » claironne-t’elle à une autre occasion sur le blog éducation du Monde), c’est-à-dire de la voix néo-libérale dominante. À moins qu’elle ne soit juste servile à l’égard des pouvoirs en place.
Plus indécent fut dans le Nouvel Observateur (27/10/11) l’article de Caroline Brizard, chargée de l’éducation pour ce torchon néo-réac-bobo-chic. Il s’agissait d’une prof, Lise Bonnafous, qui s’est immolée par le feu dans son lycée de Béziers. Drame terrible, à l’occasion duquel Caroline Brizard atteint à l’ignoble, car elle semble avoir trouvé les coupables : non pas les difficultés avec les élèves, non pas les classes surchargées, non pas la petite paye ni les difficultés du quotidien. Le responsable de la mort de cette enseignante, tenez-vous bien, c’est un syndicat dominateur et oppressif ! C’est vrai ça, c’est comme les salariés de France Télécom qui se suicident : la faute des syndicats ! Et cette crise financière : la faute des peuples ! Dégueulasse.
De ces deux exemples je retire, d’une part, confirmation de ce que l’on savait déjà : à savoir que les grands media sont les nouveaux chiens de garde, serviles, de la pensée unique. Et d’autre part qu’il n’y a presque plus de travail journalistique sérieux, basé sur une enquête et une connaissance en profondeur : on interroge le gouvernement, ensuite un type qui est d’accord avec celui-ci, deux lignes pour citer un opposant, et puis ça ira on s’en tiendra aux préjugés néo-libéraux. Tout ça est peut-être rédigé par des pigistes (comme on peut se le demander, à en juger au style d’élève appliquée de Première qu’a Aurélie Collas), eux-mêmes finalement victimes du système d’exploitation qu’ils défendent (comme ces américains pauvres qui ne veulent pas de la sécurité sociale dans leur pays). À quand Le Monde préparé en Chine à bas coût par des étudiants et envoyé en pdf à Paris ? Quant au Nouvel Obs, à le lire je soupçonne qu’il est déjà largement rédigé par un robot.
La dégradation de qualité (style des articles, originalité, information vraie, analyse réfléchie, intelligence…) des journaux français est alarmante, comme l’est celle des politiques de plus en plus ignorants et cyniques, des ingénieurs moins qualifiés qu’avant (à en juger par les difficultés de l’EPR, de Dassault, d’Airbus, de Renault qui n’arrive pas à mettre au point ses batteries et doit faire appel à Nissan)… Déclin inéluctable et inscrit dans les lois historiques ? Ou ne serait-ce pas l’école, justement, avec ses difficultés, qui serait au centre des enjeux, et qu’on devrait soutenir, à travers ses personnels, au lieu des les déconsidérer et de toujours se mettre du côté du manche avec lequel on tape sur les têtes qui échappent encore au grand nivellement ?
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beurrrk!!!!!!!!!
Collas.. vient de refrapper dans le Monde.. contre les classes prépas. Comme si elle appelait de ses vœux la poursuite des insultes ministérielles. Que ne sommes nous des paysans pour déverser chaque jour un sac de purin devant son domicile ?
C’est Collas et pas Colas. Heureusement que les profs de français nous apprennent l’importance de l’orthographe ! 😉
Merci anti-rabajoie, c’est corriger.
heu corrigé. Et pas corriger. #roibescherellepriezpournous !
Mèrci !