Comment peut-on, sans mettre le hola, laisser dériver une conversation au sujet d’Anders Breivik, tueur fou parano et délirant, vers un débat sur la décadence de l’Europe, la fin de la musique et de la littérature ? Obscène.
(Richard Millet était l’invité d’Alain Finkielkraut dans l’émission Répliques du samedi 17 novembre, sur France Culture, voir lien ci-dessous).
Comment peut-on laisser Millet parler des « jeunes travaillistes » que Breivik a tués ? Ce n’étaient pas des « jeunes travaillistes », c’étaient des êtres humains, presque des enfants, qu’il a assassinés ! Obscène !
Millet a parlé, durant l’émission, de Breivik comme « remplissant l’écran »… Mais quel écran ? Il n’y a jamais eu d’écran, il y a eu des gens qui recevaient des balles dans leur corps de chair et de sang ! Cette métaphore est révélatrice : c’est la trop connue psychose de certains intellectuels, qui finissent par interposer un « écran » de théories et de verbiage sur les événements et les êtres humains.
Il n’y a pas eu un mot, pas un sentiment pour les victimes, dans ce noble assaut de banalités obsidionales et déclinistes auquel se sont livrés Millet Crepu et Finkielkraut, aucune empathie humaine. Parce que la vraie victime, figurez-vous, c’est Richard Millet, lui qui a été « lynché », et dont la vie professionnelle à Gallimard est « terminée », bien qu’il continue à toucher son salaire, de chez lui où il lit pour eux un manuscrit de temps en temps. Là, le pathos est reparu dans la voix : on touchait à la véritable tragédie d’un homme. D’un tout petit homme imbu de lui même. Qui ne se rendra jamais dans « les forêts » dont il exprime la tentation, car il a besoin de son cirque et de son auditoire où déverser sa complainte.
De vieux petits hommes, déjà refroidis, murés dans leur esthétique, leur philosophie, leur parisianisme, leur pathétique.
http://www.franceculture.fr/emission-repliques-a-2012-11-17
Pour voir tous les articles de la catégorie Accablements, cliquez sur le nom de la catégorie ci-dessous ou ici.
Retour à la page d’accueil : cliquer n’importe où sur le titre du blog, La Bibliothèque des Sables.
Bien dit
« De vieux petits hommes, déjà refroidis, murés dans leur esthétique… » Comment c’est bien dit, Monsieur !
Ou sinon, je dirais, à ma façon bien approximative, admettons-le, tout de même, il n’y a pas – après tout – de honte à avoir… que c’est bien difficile pour ces vieux petits croque-morts de passer au crible cette ‘esthétique’, celui qui s’avère être les siens, de passer la chair et l’effroi de ces êtres mourants hors cadres, si loin du ‘cadre’, à savoir dans le noir télescopé de l’effroi – et mourir dans une esthétique pareille, franchement, ‘faut le dire, c’est morose… et cela, ça s’intellectualise, mais bien entendu, tu m’a bien compris… et cela, bien froidement, de surcroît. Des vieux, ne l’oublie pas, des vieux déjà morts – ça va de soit. Tu vois le cadre, idéal intellectuellement.
Bien à vous.
P.S. Virginia Woolf has a beautiful phrase – people who defend causes are callous (entends, callous toward the flesh, i.e. lack empathy – I paraphrase).