Le poème le plus triste, peut-être, qui fût jamais écrit… Ces yeux, rendus indépendants, animaux : les deux yeux d’un seul, ou les yeux de deux consciences aimées, aimantes ? Qui se résolvent en larmes, sur ces dalles de tombeau ? d’église ? de cénotaphe ? La bobèche fume, mais pour qui ? La bobèche du veilleur, ou celle de l’autel ? Présence, absence… Le monde échappe dans l’alambic du poème, dans la fumée de l’alambic, dans la fumée des êtres annihilés…
GRILLE DE PAROLE
Rond d’oeil entre les barreaux.
Paupière, animal cilié,
rame vers le haut,
libère un regard.Iris, nageuse, sans rêve et triste,
le ciel, gris-coeur, doit être proche.Oblique, dans la bobèche de fer,
la mèche qui fume.
Au sens de la lumière
tu devines l´âme.(Si j´étais comme toi. Si tu étais comme moi.
N´étions-nous pas debout sous un même alizé ?
Nous sommes des étrangers. )Les dalles. Dessus,
serrées l´une contre l´autre, les deux
flaques gris-coeur :
deux
bouchées de silence.Paul Celan
Traduction Martine Broda
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