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Lecture du « Raid Citroën, première traversée du Sahara de Touggourt à Tombouctou par l’Atlantide », reliure demi basane marron, dos orné — LES AVENTURES DE L’ADJUDANT CHAPUIS, TÈRE

Vers Chapuis Deuse
L’expédition pousse maintenant en avant la mission civilisatrice de la France dans des régions encore plus absolument désertiques et désolées et sinistres qu’avant, aussi impossible que cela pût sembler. Les autochenilles pètent des poulies mais rien de grave, à moins que l’ombrageux ingénieur Haardt, rajouté sur toutes les photos après coup, n’ait veillé à ce qu’on mentionnât aucun incident qui entachât la réputation des usines Citroën. Les braves mécaniciens gaulois comparent les véhicules dispersés sur le reg immonde et infini à une petite flotille de bateaux blancs. Ils y ont pensé sans même l’appui intellectuel de leurs chefs descendus des nobles francs et nourris de la meilleure culture classique. Les bords de la piste sont semés de squelettes de chameaux, la mort du chameau est décrite très en détail et ressemble beaucoup à celle du scorpion, évoquée plus tôt : le chameau se racornit sous le soleil et lorsqu’il en vient à mordre sa bosse il meurt dans un dernier spasme. C’est sans doute l’ingénieur Haardt qui a rajouté après coup cette description, et qui raconte n’importe quoi vu qu’il n’y était pas. Il y a aussi des cadavres de types morts de soif, et de pères blancs dévorés par les berbères cannibales. La chaleur est éreintante dans ces contrées inhumaines abandonnées de dieu et des hommes, mais les héroïques français ne perdent jamais l’objectif du regard : arriver à temps pour la soupe. Au milieu des squelettes, des enfants indigènes vendent des vertèbres de pères blancs pour quelques piécettes: les français fils de la IIIème république et de la loi de 1905 dédaignent ces reliques. Des femmes herratines, métisses d’on ne sait qui, courent aussi à côté des autochenilles, malgré leur vitesse fulgurante, et proposent leurs charmes aux mécaniciens, qui ne se laissent pas détourner de leur mission civilisatrice, en tout cas pas avant l’heure du souper. Finalement une nouvelle étape de solitude est vaincue, à travers ces régions mortelles que l’homme est censé n’avoir jamais foulé, et l’on parvient au bordj de Aïn Jattara, où le brave Ahmed, qui précède l’expédition sur toutes les étapes, a préparé la soupe et mis la table, grâce aux vivres déposées là par la logistique. À chaque page le brave Ahmed détache son profil noble et dévoué à la France sur un fond de soleil couchant, ou en silhouette au sommet d’une montagne abrupte, ce qui est sans doute le fruit des fantasmes refoulés de l’ingénieur Haardt, lorsqu’il réécrit l’histoire d’une seule main dans son bureau parisien de Citroën. Arrivé là je sais ce que tu vas penser, perspicace lecteur : il y a beaucoup de gens dans ce désert, et où est le mérite des types vu qu’une autre expédition a fait le même parcours et leur a laissé de la bouffe partout ? Je n’ai pas de réponse à cette question. En tout cas en voyant ses bacchantes tremper dans la soupe il vient à l’adjudant Chapuis de violentes associations d’idées relatives à la belle Aïsha, toujours recluse sous sa tente. Il y a également quelques types de TSF perdus au milieu de ces contrées inhumaines, et qui n’ont pas vu de femme blanche depuis six mois, mais il n’y en a pas dans l’expédition. La suite, cher lecteur, au prochain épisode.

Vers Chapuis Quatuor

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PLUIE

L’air se charge d’une prescience, d’un précipité de formes bondissantes. Le fin suspens des eaux enserre notre corps en son crible. Ce pourrait être oppressant mais il y a aussi l’attente d’une délivrance joyeuse. Des simulacres de marines sont pressés hors de notre imagination par les embruns… Brouhaha des tramways dans le rôle des vagues ! Seule tout là haut au dessus du toit une mouette valide l’illusion des déferlements de dunes…

Premier faufilement des gouttes d’eau, dans le tissu du monde, tout se défait, paix.

 

 

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Méditation suite…

Le vent souffle sur le balcon, soulevant des images et des souvenirs du désert. Peut-être le vide est salvateur, peut-être que surgira du désert la flamme bleue — ou un fin ruisseau, une voix — qui seraient moi.

Ou peut-être que la table rase elle-même fera place, s’ouvrant sur le chaos, les agrégats flottants des visions, des peurs, des pulsions… Il n’y aura rien, mais ce rien aura la forme d’un plein insensé, grouillant, terrifiant…

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MÉDITATION

Devenir soi-même ce que l’on perçoit… L’éponge du bruit d’un arbre, les filaments expressifs du vent, les yeux affolés des insectes au fond de leurs terriers de chlorophylle…

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Bourdonnements

Un poème empreint dans un corps…?

Invasion ! Invasion ! Je suis l’Essaim !

Les norias de ces terres plates tournent trop lentes

Pour les desseins

De ces frelons

Qui les recouvrent

Et les mots furent jouxtes si drus qu’on ne put plus distinguer

Un vol d’oiseaux

Emmi les lettres

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Philosophie (aboli bibelot ?)

Héraclite, Platon, Marc-Aurèle — ceux-ci en Grec —, Pyrrhon qui n’a rien écrit, Montaigne, Descartes, Spinoza, Pascal, Kant, Schopenhauer, Freud, et qu’en reste-t-il ? (Au deux derniers toutefois, je dois la confirmation spirituelle de l’Être, ce qui n’est pas rien !) Qu’en reste-t-il lorsque le sommeil se retourne sur l’abîme ? Voici ma philosophie : je me jette dans la nuit, j’étreins de grandes masses sombres, eles n’ont pas de forme dans l’ombre, je lutte, je me cramponne au monstre — comme Robert-le-Diable le fit aux pieds du Pape, dans les enluminures des retables et les coups des huissiers — au matin plein de sang je n’ai pas lâché prise, je le dévoile enfin ; il a mon visage, le malin…

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Court conte du Temps

   Sommeil agressé par des éclats de voix, portés par l’air moite de la rue. Le soir ne vient pas soulager l’étouffoir du jour, et la nuit se résout en tronçons mortuaires, assiégés par l’angoisse. Réveil, dans la gueule de bois qui suit les Visions. Il a plu. Comme dans les îles de corail cernées du rideau de perles éternel d’une vague immobile, un rouleau de nuages boucle l’horizon, retenant le temps sur la crête de ses nimbes. Menace imminente et différée, déferlement suspendu indéfiniment : de tout le jour le Temps ne s’écoulera plus.
Journée éternelle, écartelée de grandes barres de lumière blanchâtre, entre lesquelles le prisonnier écrase sa tête, pour têter un peu d’air brûlant… Des presciences, des bruissements, mais rien ne se passe. Œil rivé à l’expectative pure et vide du lointain, insupportable, inaltérable.

Tâte mon sexe, le suscite, pour qu’il redonne naissance au Temps… Entre mes jambes, enfin, le lait blanc de la vie s’écoule, charriant des vaisseaux aux carènes de bois rondes comme les espoirs qu’elles emportent, à l’assaut des Indes mystiques — charriant des voiles, charriant des peuples, liquéfiés, portant haut l’aigrette de leur orgueil sur leurs képis de giclures — charriant les Babylones, charriant les acropoles, charriant les forums agités par les orateurs de la chose publique, qui festonnent l’écume de leurs épanaphores, au ronflement des clochards dormant sous les portiques — charriant les savants hommes, érudits, gentes femmes, emportés tout distraits sur l’esquif de leur grimoire, charriant les dictateurs, charriant les filles folles que suivent des peuples en rut affolés — charriant les strates précipitées des hécatombes latentes, procréations, spasmes, générations, mort-nées, abîmes incompris, de néant tu retourneras au néant…

…entre mes cuisses nues…

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« Raid Citroën, première traversée du Sahara de Touggourt à Tombouctou par l’Atlantide », reliure demi-basane marron, dos orné — LES AVENTURES DE L’ADJUDANT CHAPUIS, DEUSE

Les braves autochenilles, beurrées à la graisse de chamelle

Vers Chapuis Une

La belle Aïsha, princesse berbère rescapée d’un rezzou par l’expédition, refuse les avances de l’adjudant Chapuis. Les autochenilles pètent héroïquement des bielles de poulie, pendant que l’adjudant se graisse les bacchantes en couvant du regard la tente d’Aïsha. La belle doute que la situation de l’adjudant auvergnat soit vraiment digne d’elle. Le reste de l’expédition, pour la convaincre, prétend suivre les ordres de Chapuis comme un seul homme. Ce qui n’est pas du goût de l’ingénieur Haardt, directeur général des usines citroën, homme ombrageux et inutile, et dont on voit bien qu’il a été rajouté après coup sur les photos. Le vent se lève et déplace des dunes, lorsque survient une attaque de chameaux en rut, attirés par les autochenilles qu’ils prennent pour des chamelles également rutilantes, à cause des odeurs de graisse. Chapuis tente de protéger Aïsha, qui ne risque rien, mais c’est Audouin-Dubreuil, fier Saint-Cyrien et vrai chef de l’expédition, qui juché sur l’une des voitures graissées à la graisse de chamelle, fait fuir les animaux ithyphalliques, en leur récitant Le Lac de Lamartine… Pourquoi l’Atlantide ? Chers lecteurs, la suite au prochain épisode.

Vers Chapuis Tèr
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« Raid Citroën, première traversée du Sahara de Touggourt à Tombouctou par l’Atlantide », reliure demi basane marron, dos orné : Les Aventures de l’Adjudant Chapuis UNE

L’ingénieur et le soldat, réunis pour l’avancement de la civilisation, attendent le cuistot devant une assiette vide

C’est avec émotion que je coupe et lis pour la première fois les pages, imprimées en 1923 et jamais lues, du « Raid Citroën, première traversée du Sahara de Touggourt à Tombouctou par l’Atlantide », reliure demi basane marron, dos orné — envoyé par une librairie anglaise… Un style inimitable : « pour la gloire de l’industrie française », « notre Empire africain », « Vive la France ! », etc… J’en ai la chair de poule et la Marseillaise me monte au nez, je me mets au garde à vous à toutes les pages ! Et qui se souvient de l’adjudant Chapuis ? Adjudant Chapuis, du bas de tes bacchantes, ce sont 90 années d’héroïsme militaire qui nous contemplent ! Pour tout mon persiflage, ces pages restent imprégnées de l’enthousiasme et de l’euphorie de l’exploit… Cette lecture, pour mon prochain roman ; j’y reviendrai sans doute ; pourquoi l’Atlantide ? Chers lecteurs, la suite des aventures de l’adjudant Chapuis, comment il vécut comment il mourut, et ses amours avec la princesse berbère sauvée du rezzou, au prochain épisode…

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Rien n’a jamais commencé…

…si ce n’est peut-être une fois, il y a 13 milliards d’années… Pour ce blog 0, le plus honnête, mais aussi le plus fastidieux, serait d’évoquer tous ceux qui m’ont fait : amis, livres, influences, rencontres intellectuelles… Comme l’empereur Marc-Aurèle, admirablement, au début de ses « Pensées ». Une vie se passe à essayer de se sursoir, mais à la fin nous ne sommes qu’une lettre dans la phrase infinie.

Je citerai seulement les noms de Saint-John Perse, de Pierre Guyotat, de Pierre Michon, comme ceux des modernes qui m’ont montré que vouloir consacrer le langage n’était pas un projet caduque.

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